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Est-ce que l’exercice fait maigrir ?

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L’exercice, défini comme étant toutes activités physiques planifiées afin d’améliorer la condition physique ou la santé, est une intervention extrêmement populaire lorsqu’il est question de maigrir. Le raisonnement est simple : on fait de gros efforts physiques, on sue, on force et logiquement il s’en suit une perte de poids. Plus on fait des efforts, plus on devrait perdre du poids. Si on ne perd pas de poids, c’est que les efforts ne sont pas suffisants ou encore que le mode d’exercice n’est pas adéquat (i.e.: cardio vs musculation, X vs Y, etc.).

Est-ce que l’exercice fait maigrir et si oui, à quoi peut-on s’attendre comme perte de poids ?

Regardons un des modes d’exercices les plus utilisés pour maigrir ; l’entraînement aérobie (cardio)…

Lorsque l’on cumule environ ~150 min d’entraînement aérobie par semaine (3 séances d’entraînement de ~40-50 min par semaine par exemple), on tend à observer une perte de poids moyenne de ~2-3 kg ou encore un peu moins que 5 % du poids initial perdu. On remarque également que les individus qui ont recours à ce type d’entraînement ont plus souvent tendance à atteindre un niveau d’activité physique sur 24 h qui rencontre les recommandations des grands organismes en santé. Lorsque l’on regarde les chiffres (1), entre ~40 % et 55 % des adultes de plus de 18 ans atteignent les recommandations de 150 min d’activité physique d’intensité modérée ou supérieure par semaine, comparativement à ~15 à 20 % chez les adultes de plus de 18 ans pratiquant à la fois la musculation et l’entraînement aérobie. Il est intéressant de constater que malgré la pratique régulière d’exercice, tout au plus la moitié des individus parvient à atteindre des niveaux d’activité physique quotidiens minimaux. La perte de poids engendrée par l’entraînement aérobie/cardio est donc possible, surtout lorsque les volumes d’entraînement sont importants. On estime que la perte de poids est rare chez les individus n’étant pas en mesure de dépenser plus de 2000 kcal par semaine par l’entremise de l’entraînement aérobie.

Un des avantages notables de l’entraînement aérobie sans aucun doute la diminution des risques de mortalité précoce ; pour chaque augmentation de la capacité aérobie de 1 MET (3,5 mLO2 x kg-1 x min-1), on observe une diminution approximative de 13 % du risque de mortalité (et ce, indépendamment du poids) (2). Que ce soit pour une perte de poids ou non, l’entraînement aérobie/cardio est un mode d’exercice intéressant, bien qu’ayant relativement peu d’impact sur la perte de poids (rappelons une perte de poids généralement inférieure à 5 % du poids initial pour quand même beaucoup d’entraînement).

L’entraînement en musculation pour la perte de poids a gagné beaucoup de popularité dans les années 2000. Plusieurs arguments ont été mis de l’avant pour justifier son utilisation comme vecteur important du processus de perte de poids. J’ai déjà discuté de certaines de ces propositions par le passé, mais je me permettrai un petit rappel. On mentionne très souvent l’augmentation de la masse musculaire comme un facteur ayant un impact important sur la perte de poids (gras), principalement grâce à l’influence de la masse musculaire sur la dépense énergétique. Or, quotidiennement, on estime qu’un kilogramme de muscle requiert approximativement 13-16 kcal.

Bref, un impact minime.

L’inconvénient potentiel de l’augmentation de la masse musculaire se situe au niveau de la régulation de l’appétit (je vous invite à consulter cet article sur le sujet), une plus grande masse musculaire tend à augmenter l’appétit ce qui peut s’avérer contreproductif lors du processus de perte de poids. D’autres arguments sont proposés comme l’augmentation de la dépense énergétique lors des entraînements et après ceux-ci. L’entraînement en musculation, bien qu’il puisse être difficile et épuisant, ne permet généralement pas de dépenser une grande quantité de calories (j’en ai discuté sur mon balado ici). La dépense énergétique post effort est également, trop souvent, surestimée. Cette dépense énergétique correspond au coût énergétique provenant des besoins en récupération (devinez quoi ? Une autre lecture sur le sujet ici). Pour résumer le tout, l’impact de l’entraînement en musculation sur la balance énergétique est relativement faible, ce qui se traduit par un impact également relativement faible sur la perte de poids (gras). Notez bien que ça n’implique pas que la musculation n’ait pas d’autres vertus…

Vous me direz que « tout le monde sait que ce n’est pas que l’exercice, mais ce qu’il y a dans l’assiette qui permet (ou non) de perdre du poids ».

Effectivement, lorsque l’on combine les interventions en exercice avec une restriction calorique, on observe une perte de poids généralement plus importante qu’avec l’exercice comme seule intervention. Lorsque l’on combine les interventions (cardio + restriction calorique/musculation + restriction calorique/cardio + musculation + restriction calorique) on observe un effet plus important sur la perte de poids que les effets individuels de chacune des interventions.

La combinaison des différentes interventions tend à générer une perte de poids plus importante que chacune des interventions réalisées individuellement. Il est alors question d’une perte de poids de l’ordre de ~10 % du poids initial perdu sur une période de 12 mois (2). Par la suite, les individus qui sont en mesure de maintenir une dépense énergétique associée à l’exercice supérieure à 2000 kcal par semaine réussissent à maintenir une perte de poids de 10 % sur une période de 4 ans.

Quelles conclusions pouvons-nous tirer de tout cela ?

Il est tentant de conclure que l’entraînement aérobie/cardio est la forme d’entraînement la plus efficace pour perdre du poids et que la combinaison de ce type d’entraînement avec de la musculation et une restriction calorique est la stratégie gagnante pour perdre du poids.

Il ne s’agit pas d’une mauvaise conclusion, mais j’estime qu’elle demeure trop simple et quelque peu superficielle.

Mon attention se porte davantage vers les ~2000 kcal par semaine associées au maintien d’une perte de poids. L’étendue de la dépense énergétique chez les humains (adulte) est relativement restreinte. On peut observer des valeurs basses (~1200 kcal/d pour des individus très sédentaires et de très petit gabarit) et des valeurs très élevées (~7,000 kcal/d) pour des athlètes du Tour de France. Bien que cet écart puisse paraître énorme d’un point de vue pratique, en réalité il s’agit d’un écart de 5800 kcal/d pour des extrêmes très éloignés que l’on retrouve rarement dans la population générale. Cela signifie que la dépense énergétique de l’ensemble de la population valse sur une étendue maximale approximative de ~5800 kcal, ce qui constitue une plage relativement restreinte (considérant qu’un individu de gabarit moyen, sédentaire dépense environ ~2000-2300 kcal, cette plage est en réalité beaucoup plus petite). Une augmentation hebdomadaire de 2000 kcal (~285 kcal/d) représente une modification de la dépense énergétique totale de l’ordre de ~10-15 %. En supposant des apports énergétiques relativement constant, cette augmentation de ~10-15% devrait suffire à la majorité des gens souhaitant perdre du poids d’y arriver de façon raisonnablement efficace et durable. Donc, pour un individu moyen, il faut ajouter l’équivalent d’une journée entière de dépense énergétique pour modifier son poids.

Faire l’équivalent de 8 jours sur une semaine.

Toutefois, cette stratégie de perte de poids reposant sur l’exercice doit occasionner une hausse de la dépense énergétique de l’ordre de 10-15 % pour un individu moyen, sans compensation au niveau de la prise alimentaire, afin de permettre une diminution du poids d’environ 10 % de sa valeur initiale. Si on y ajoute une restriction calorique (diminution modeste des apports énergétiques), l’augmentation de la dépense énergétique peut potentiellement être de moindre envergure (diminution de 5 % des calories + augmentation de 5-10 % de la dépense énergétique totale nous permettent d’atteindre ~10-15 %).

Ce jeu énergétique subtil semble être prioritaire afin de permettre le maintien d’un nouveau poids et d’un nouvel équilibre énergétique. L’augmentation plus importante de la dépense énergétique semble susciter l’apparition de mécanismes compensatoires relativement importants (fatigue causant une diminution éventuelle de la dépense énergétique totale, stimulation de l’appétit augmentant la prise alimentaire, etc.) au même titre qu’une restriction énergétique trop importante semble pouvoir susciter les mêmes réponses compensatoires.

Il importe d’ajouter un autre élément qui revêt une importance particulière : la condition physique, dans son sens large ainsi que, plus spécifiquement, la capacité aérobie. L’amélioration de la condition physique et de la capacité aérobie permettent, indépendamment de la perte de poids, de réduire les risques de mortalité précoce. Cet élément est sans aucun doute, l’argument le plus important et le plus rigoureux qui supporte le recours à l’exercice pour la perte de poids.

En réalité, l’exercice devrait, dans un premier temps, améliorer la condition physique, plus particulièrement la capacité aérobie. Ensuite, l’exercice devrait contribuer à augmenter la dépense énergétique totale directement (les kcal dépensées lors des entraînements) et indirectement en favorisant l’adoption d’un mode de vie plus actif à l’extérieur des séances d’entraînement (être en mesure de gravir des escaliers aisément, de faire des tâches ménagères avec facilité, etc.).

La science de la bioénergétique progresse à grands pas et nous commençons à mieux comprendre les ramifications qui sous-tendent l’équation, initialement simple, de la balance énergétique (calories in vs calories out). Les mécanismes sont nombreux et complexes, mais nous sommes désormais en mesure de mieux concevoir les effets globaux des différentes interventions liées à l’exercice ou encore à la restriction calorique sur la balance énergétique. En misant sur des changements modestes et progressifs, il est possible pour une majorité d’individus d’augmenter suffisamment leur dépense énergétique et leur condition physique pour modifier plusieurs facteurs de risques dont la composition corporelle et la santé cardiovasculaire.

Maintenant, il faut que cette compréhension se traduise par des actions réfléchies sur le terrain de la part des différents intervenants. Trop souvent, les approches “originales” ou “nouvelles” ou encore “extrêmes” vont avoir une cote de popularité importante mais souvent inversement proportionnelle aux perspectives de réussite…

Références

  1. Katzmarzyk PT, Lee IM, Martin CK, Blair SN. Epidemiology of Physical Activity and Exercise Training in the United States. Progress in Cardiovascular Diseases. 2017;60(1):3-10.
  2. Kokkinos P, Sheriff H, Kheirbek R. Physical Inactivity and Mortality Risk. Cardiology Research and Practice. 2011;2011:1-10.
  3. Swift DL, McGee JE, Earnest CP, Carlisle E, Nygard M, Johannsen NM. The Effects of Exercise and Physical Activity on Weight Loss and Maintenance. Progress in Cardiovascular Diseases. 2018;61(2):206-13.
  4. Foright RM, Presby DM, Sherk VD, Kahn D, Checkley LA, Giles ED, et al. Is regular exercise an effective strategy for weight loss maintenance? Physiology & Behavior. 2018;188:86-93.
  5. DONNELLY JE, BLAIR SN, JAKICIC JM, MANORE MM, RANKIN JW, SMITH BK. Appropriate Physical Activity Intervention Strategies for Weight Loss and Prevention of Weight Regain for Adults. Medicine & Science in Sports & Exercise. 2009;41(2):459-71.
  6. Swift DL, Johannsen NM, Lavie CJ, Earnest CP, Church TS. The Role of Exercise and Physical Activity in Weight Loss and Maintenance. Progress in Cardiovascular Diseases. 2014;56(4):441-7.
  7. Wu T, Gao X, Chen M, Van Dam R. Long‐term effectiveness of diet‐plus‐exercise interventions vs. diet‐only interventions for weight loss: a meta‐analysis. Obesity reviews. 2009;10(3):313-23.

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