Dr Kin

Activité physique, exercice et gestion de poids

Exercice activité physique perte de poids
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En 2010, j’ai écrit un article qui présentait la différence entre l’activité physique et l’exercice. À l’époque, je m’étais dit qu’il s’agirait d’une communication que les éventuels lecteurs trouveraient redondante et inutile, principalement parce que tout le monde savait faire la distinction entre activité physique et exercice.

Ça peut paraître simple, mais il y a, encore aujourd’hui, beaucoup de confusion sur le sujet.

Pas seulement au sein de la population générale.

Parmi les professionnels de la santé, aussi.

Même dans la communauté scientifique, bien oui.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, l’activité physique se définit comme tout mouvement corporel produit par les muscles squelettiques qui requièrent une dépense d’énergie. L’activité physique désigne tous les mouvements que l’on effectue notamment dans le cadre des loisirs, sur le lieu de travail ou pour se déplacer d’un endroit à l’autre.

Déjà en 1986, Capsersen et collaborateurs1 avaient proposé une définition très similaire, mais avec quelques précisions intéressantes : L’activité physique est définie comme tout mouvement corporel produit par les muscles squelettiques et entraînant une dépense d’énergie. La dépense énergétique peut être mesurée en kilocalories. L’activité physique dans la vie quotidienne peut être classée en activités professionnelles, sportives, ménagères ou autres. L’exercice est un sous-ensemble de l’activité physique qui est planifié, structuré et répétitif et dont l’objectif final ou intermédiaire est l’amélioration ou le maintien de la condition physique. La condition physique est un ensemble d’attributs liés à la santé ou aux compétences. Le degré auquel les personnes possèdent ces attributs peut être mesuré à l’aide de tests spécifiques.

Nous pouvons donc affirmer que l’exercice est assurément une forme d’activité physique, mais que l’activité physique n’est pas forcément de l’exercice.

On peut régulièrement lire des articles scientifiques qui mentionnent utiliser l’activité physique comme intervention sur X ou Y élément, alors qu’il s’agit d’une intervention portant sur l’exercice.

Dans les années 2000, j’ai étudié l’effet de l’exercice et de la restriction calorique sur l’activité physique et la composition corporelle. Si l’activité physique et l’exercice étaient synonymes, il m’aurait été impossible de mener une telle étude. Je ne pourrais pas mesurer l’effet d’une variable sur elle-même.

L’activité physique et l’exercice sont deux choses.

Pourtant, on lit et entend régulièrement des affirmations stipulant que l’activité physique n’a pas d’effet sur le poids, que l’activité physique est importante pour améliorer sa condition physique, etc. Lorsqu’on s’attarde aux propos, on réalise qu’il est question d’exercice et non pas d’activité physique au sens propre de la définition.

Il est vrai que pour beaucoup, beaucoup de gens, l’exercice a relativement peu d’effets sur le poids. Dans l’ensemble, les effets de l’exercice sur la composition corporelle semblent plus intéressants au niveau de la réduction du gras viscéral, sans toutefois avoir une ampleur suffisante pour modifier de façon importante le poids2, 3. Il n’est donc pas « faux » d’affirmer que l’exercice, dans beaucoup de cas, n’aura pas vraiment d’effet grandiose sur le poids total ou même sur la masse grasse totale.

Dois-je préciser que cela ne signifie pas que l’exercice est inutile chez les personnes qui souhaitent perdre du poids (et même chez ceux et celles qui ne souhaitent pas en perdre !). L’exercice s’avère particulièrement efficace pour améliorer la condition physique. Que ce soit la capacité aérobie, l’endurance aérobie, la force musculaire, l’endurance musculaire, la flexibilité, la puissance, l’agilité, etc., l’exercice a été entièrement et totalement conçu pour ça.

Pour beaucoup de gens, l’exercice a généralement peu ou pas d’effet sur la dépense énergétique totale. Ce n’est pas parce que l’on fait de l’exercice que nous allons dépenser plus de calories pendant notre journée. Également, l’exercice tend à stimuler l’appétit, surtout lorsque les réserves énergétiques sont appauvries. L’augmentation de la dépense énergétique lors de l’effort peut être assez aisément contrebalancée par une hausse de l’appétit. Cette relation n’est pas aussi claire lorsqu’il est question d’activité physique, surtout lorsque l’intensité des activités est moindre.

Les gens qui s’entraînent ne dépensent pas forcément beaucoup plus de calories que les gens qui ne s’entraînent pas.

Je me permets de présenter des données provenant de mesures de dépense énergétique par accélérométrie (mesure au poignet de la main non dominante), que j’ai effectué au courant des dernières années.

En faisant le nettoyage des données, j’ai pu diviser un groupe de 147 personnes en deux groupes : 1) des gens qui rapportent s’entraîner entre 1 fois et 8 fois par semaine (n=125) ; et 2) des gens qui rapportent ne pas s’entraîner (n=22), c’est-à-dire des gens qui ne font pas d’activité physique planifiée dans le but d’améliorer leur condition physique (exercice). En comparant la taille des groupes, vous serez à même de constater que la majorité des gens qui me consultent font de l’exercice (n=125) et qu’une minorité ne fait pas d’exercice (n=22).

Commençons par la quantité totale d’énergie dépensée, soit le métabolisme de repos plus l’activité physique totale. Je néglige volontairement et obligatoirement la thermogenèse alimentaire parce qu’elle n’est pas mesurée. Cependant, il s’agit d’une valeur négligeable dans la dépense énergétique totale, généralement ~10 % des calories totales.

Revenons à nos groupes…

Le groupe Exercice dépense environ 2392 kcal par jour alors que le groupe sans exercice dépense quotidiennement 2420 kcal. En quantité absolue, les deux groupes dépensent quotidiennement la même quantité d’énergie, et s’ils consomment la même chose, leur poids sera relativement stable, exercice ou pas.

Afin d’obtenir une analyse plus spécifique et indépendante du gabarit, nous pouvons retirer le métabolisme de repos et nous concentrer sur la dépense énergétique associée à l’activité physique. Nous pourrions nous attendre à ce que le groupe Exercice dépense 200, 300 ou même 400 kcal de plus étant donné la dépense énergétique associée à leur entraînement.

Voyons voir…

Le groupe Exercice réalise quotidiennement, une moyenne de 409 minutes d’activité physique pour une dépense énergétique de 1166 kcal. Le groupe Sans exercice complète une moyenne quotidienne de 389 minutes d’activité physique pour une dépense énergétique de 1042 kcal.

Statistiquement parlant, nous ne sommes pas en mesure de distinguer de différence entre les groupes à ce niveau. L’exercice, dans notre échantillon, ne semble pas s’additionner aux activités physiques du quotidien, mais plutôt en remplacer une partie. Si nous étions en présence d’un effet additif ou cumulatif, nous pourrions observer une dépense énergétique plus importante de l’ordre de quelques centaines de calories pour le groupe Exercice. Il est possible que ce soit le cas lors des journées d’entraînement.

Au niveau de la composition corporelle, nous n’observons pas de différence significative au niveau de l’indice de masse grasse, mesure permettant d’évaluer le niveau d’adiposité en fonction du gabarit (pour les passionnés de statistique, l’effet de taille au niveau de cette comparaison est extrêmement faible).

Donc, toutes proportions gardées, les personnes du groupe Exercice ne semblent pas statistiquement moins grasses que les personnes du groupe Sans exercice.

Dans notre échantillon, lors des jours d’entraînement, le groupe Exercice réalise 422 minutes d’activité physique pour 1223 kcal dépensées. C’est environ 30 minutes et 200 kcal de plus que pour le groupe Sans exercice lors d’une journée typique. Il est intéressant de noter que la durée des séances d’entraînement des participants du groupe Exercice, était rarement inférieure à 60 minutes. Nous aurions pu nous attendre à observer une augmentation de presque 60 minutes, au lieu des 30 minutes que nous avons comptabilisées. Plusieurs facteurs peuvent influencer ces résultats, de l’erreur de mesure allant à la variabilité saisonnière de l’activité physique, mais il demeure une possibilité que l’exercice ne soit pas pleinement cumulatif.

C’est là que les choses deviennent très intéressantes… (enfin selon moi)

Nous pouvons fractionner notre groupe exercice en deux groupes, ceux et celles qui augmentent leur dépense énergétique lors des jours d’entraînement, et ceux et celles qui la diminuent.

Sur nos 125 participants qui rapportaient s’entraîner, 91 réussissent à augmenter leur dépense énergétique comparativement à leurs jours de repos. Cependant, 34 participants présentent une dépense énergétique inférieure lors des jours d’entraînement, comparativement aux jours de repos.

En moyenne, le groupe qui réussit à augmenter sa dépense énergétique lors des jours d’entraînement cumule 378 kcal de plus que lors des jours de repos. Le groupe qui diminue réduit de 214 kcal sa dépense énergétique lors des jours d’entraînement, comparativement aux jours sans entraînement.

Lorsqu’il est question du temps total d’activité physique, nous observons une hausse de 110 minutes d’activité physique pour leur groupe qui augmente et une baisse de 74 minutes pour le groupe qui diminue.

Maintenant, comparons la composition corporelle des participants qui augmentent leur niveau d’activité physique lors des jours d’entraînement avec celle de ceux qui diminuent. Le groupe qui augmente présente un indice de masse grasse de 5.6 kg/m2 alors que le groupe qui diminue présente des valeurs de 7.3 kg/m2. Pour une personne de grandeur moyenne, cela représente une différence de masse grasse de 4.3 kg (près de 10 livres).

Il serait hasardeux de tirer des conclusions robustes à partir de ces analyses. Cependant, ces données nous forcent à remettre en question l’impact des interventions misant sur l’exercice sur la balance énergétique.

Avant d’avoir recours à outrance à l’exercice pour promouvoir la perte de poids, il serait prudent de s’assurer des effets et répercussions réels de l’intervention sur la balance énergétique. À l’opposé, affirmer avec certitude que dans tous les cas l’exercice n’a pas d’impact sur la perte de poids serait tout aussi hasardeux. Il faut, a priori, établir si l’exercice contribue favorablement à la dépense énergétique tout en s’inscrivant dans un processus de balance énergétique négative.

Il est, bien sûr, essentiel de souligner que la condition physique des participants ne figure pas dans les analyses. Il est possible que le niveau de forme entre les groupes soit différent, ce qui s’avère un élément important au niveau de la santé. Ces analyses nécessitent encore un peu de nettoyage de données…

Quoi retenir ?

  • Arrêtons de nous enfarger dans les termes exercice et activité physique. Il est souhaitable d’emprunter la proposition de définition de l’OMS et de s’efforcer de l’utiliser au quotidien. L’exercice, oui, c’est de l’activité physique. Mais l’activité physique n’est pas qu’exercice.
  • Lorsqu’il est question de gestion de poids, il est crucial de ne pas mélanger exercice et activité physique. Il est important de déterminer l’impact de notre intervention sur la balance énergétique.
  • Faire de l’exercice risque de ne pas faire perdre de poids. Pas parce que le muscle augmenter plus qu’un culturisme gavé aux anabolisants. Arrêtons de dire à monsieur ou madame que parce qu’ils font de la musculation ils vont prendre beaucoup de muscle et que la balance ne bougera pas vers le bas. On ne gagne pas tant de muscle que ça si facilement.
  • Faire de l’exercice, ça sert à améliorer sa condition physique, à devenir meilleur. Ça contribue à notre santé physique et mentale. Ça risque d’être décevant pour beaucoup de gens si le seul objectif associé à l’exercice est la perte de poids. Vous ne bougerez pas systématiquement plus si vous faites de l’exercice. Vous ne dépenserez pas systématiquement beaucoup plus de calories si vous faites de l’exercice.
  • Arrêter de dire que la gestion du poids n’est pas une question de balance énergétique. Au final, les modifications de poids et de composition corporelle sont le résultat d’une modification à l’équilibre énergétique. La gestion du poids n’est pas une question de compter les calories consommées et les calories dépensées. Pourquoi ? Parce que nous sommes, encore aujourd’hui, extrêmement imprécis pour faire ça. Votre vraie balance énergétique qui dicte votre poids, nous ne sommes pas en mesure de la déterminer avec précision. C’est pour ça qu’essayer de tout compter n’est pas vraiment utile pour déterminer si vous consommez plus ou moins de calories que vous dépensez. Mais, si vous gagnez de la masse musculaire ou de la masse grasse, vous devez avoir été exposé à un surplus énergétique. Si vous en perdez, vous devez avoir été exposé à un déficit énergétique. Maintenant, là où il y a beaucoup de variabilité, c’est dans ce qui influence cette balance énergétique. Ce qui fait que vous ingérez les calories que vous ingérez et que vous dépensez les calories que vous dépensez, ça, ça, c’est très variable d’une personne à l’autre et même d’une journée à l’autre.

Faire de l’exercice de nos jours, c’est bénéfique pour la vaste majorité d’entre nous. Mais, ça peut ne pas plaire à tous. Faire de l’activité physique, c’est extrêmement bénéfique pour la totalité d’entre nous. Mais, si ça améliore notre santé, ça n’améliore pas nécessairement notre condition physique. Également, si nous voulons pleinement profiter des bienfaits de l’activité physique, ça aide d’être en forme.

Bref, faire de l’exercice pour améliorer notre condition physique et augmenter notre niveau d’activité physique dans le plaisir, c’est une excellente combinaison. Faire de l’exercice pour perdre du poids, ce n’est pas si simple que de forcer et d’avoir chaud.

Référence

  1. Caspersen CJ, Powell KE, Christenson GM. Physical activity, exercise, and physical fitness: definitions and distinctions for health-related research. Public Health Rep. 1985;100 (2):126-131.
  2. Garrow J, Summerbell C. Meta-analysis: effect of exercise, with or without dieting, on the body composition of overweight subjects. European journal of clinical nutrition. 1995;49(1):1-10.
  3. Verheggen RJHM, Maessen MFH, Green DJ, et al. A systematic review and meta‐analysis on the effects of exercise training versus hypocaloric diet: distinct effects on body weight and visceral adipose tissue. Obesity Reviews. 2016;17(8):664-690.

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