Dr Kin

Es-tu correct ?

Une femme assise sur un canapé semble stressée ou fatiguée, une main sur le front.
0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0 0 votes
Évaluation de l'article

Est-ce qu’il vous arrive d’être fatgiué.es à la fin d’un entraînement ? Ou encore à la fin d’une journée de travail ? Vous arrive-t-il d’avoir mal quelque part ? Est-ce que parfois vous êtes ballonné.es après un repas ?

Si oui, selon plusieurs, vous avez assurément un problème.

Vous êtes fort probablement « normal ».

Il n’est pas anormal d’être fatigué à la suite d’un entraînement exigeant.

Il n’est pas anormal d’être fatigué à la fin d’une journée de travail.

Il n’est pas anormal d’être ballonné après un repas ingurgité rapidement.

Aucune de ces conditions n’est réellement pathologique.

Pourtant, on utilise très souvent l’ensemble de ces symptômes pour justifier une intervention visant des modifications importantes du mode de vie ou encore la consommation de divers suppléments.

« Es-tu fatigué après tes workout ? Oui ? Tu manques de protéines ou ton insuline est pas bonne… »

Quand j’ai fait mes débuts dans le domaine de l’entraînement dans les années 90, on ne parlait que d’entraînement aux clients, parfois on effleurait à peine la nutrition. L’ensemble de notre intervention gravitait autour de l’entraînement et de la physiologie de l’exercice. Je n’ai pas de données sur le sujet, mais je ne suis pas convaincu que les résultats obtenus par les clients de l’époque étaient réellement moins bons que les résultats des clients d’aujourd’hui.

Pourtant, je constate que dans le monde de l’entraînement on parle de moins en moins d’entraînement et de plus en plus d’autres choses. J’entends beaucoup moins parler de stratification du risque, de recrutement neuromusculaire, de filières énergétiques ou encore de système de leviers que j’entends les termes inflammations, cortisol, insuline, intolérance, psychotype et cie.

Pourquoi les entraîneurs parlent moins d’entraînement ? Est-ce parce que les concepts d’entraînement sont maîtrisés ? J’en doute si je me fie à ce que j’observe dans différents milieux d’entraînement qu’il m’arrive de côtoyer. Ce n’est pas ici un commentaire méchant visant à dénigrer les entraîneurs que je côtoie, mais plutôt une réflexion sur la complexité de l’entraînement et des différentes sciences qui l’animent. Comprendre l’entraînement, la physiologie et la biomécanique, c’est crissement compliqué. À chaque fois que j’enseigne un cours à l’université, je réalise qu’il y avait un concept que je ne comprenais pas convenablement. C’est peut-être juste moi qui ne comprends pas tout, mais j’ai beaucoup d’empathie pour ceux et celles qui trouvent que les notions pertinentes en entraînement sont complexes.

Je pense que cette complexité et la difficulté de bien comprendre la science de l’entraînement expliquent en partie pourquoi les entraîneurs diversifient leurs interventions. Le lexique utilisé par les entraîneurs à certes évolué, j’entends plus souvent parler d’ATP de créatine phosphate et de MTor qu’il y a 20 ans. Cependant, quand je pose des questions (sincères, vraiment !) afin de mieux comprendre ce que l’interlocuteur avance, ça se corse.

Ça se corse beaucoup et ce n’est pas chic.

J’ai un exemple en tête où une entraîneuse me parlait de filières énergétiques et mentionnait que c’était assez simple. Il ne suffisait que de regarder le temps d’une série pour savoir quelles étaient les filières impliquées. Je lui ai demandé si elle pensait qu’une série de squat de 12 répétitions à 12 RM d’une durée de 60 s mobilisait la filière oxydative (utilisation de l’oxygène dans le processus de renouvellement de l’ATP).

Elle m’a dit que c’était anaérobie, d’un ton à la fois assuré et surpris que je lui pose une question aussi simple.

Je lui ai répondu que je n’étais pas certain. Curieuse, elle m’a demandé pourquoi ? Au lieu de me lancer dans des explications théoriques interminables et, je dois l’avouer, parfois ennuyantes malgré tous mes efforts, j’ai décidé d’y aller avec une démonstration pratique.

Je lui ai demandé de s’exécuter sur l’exercice de squat et que pendant son effort, j’allais mesurer sa consommation d’oxygène avec un analyseur de gaz. Si l’effort est anaérobie (en absence d’oxygène pour renouveler l’ATP), on ne devrait pas observer une augmentation de la consommation d’oxygène pendant sa série.

Ben non.

Sa consommation d’oxygène a commencé à augmenter après environ 10-15s.

Elle a continué à augmenter tout au long de son effort « anaérobie ».

C’est là que j’ai commencé mon explication théorique sur l’interrelation des systèmes énergétiques et comment le tout était complexe, très complexe.

Plus complexe que de simplement lancer phosphofructokinase et oxaloacétate dans une conversation pour avoir l’air de connaître ça. L’entraîneuse en question étant très soucieuse et professionnelle, elle m’a demandé si j’avais de bonnes lectures à ce sujet (il me fit grand plaisir de lui envoyer d’excellentes références sur le sujet).

Donc, l’entraînement, c’est vraiment complexe et très difficile à maîtriser parce que ça demande beaucoup de connaissances théoriques et une énorme capacité à appliquer le tout à la pratique.

Il est tentant de sauter la clôture et d’aller voir ailleurs pour trouver d’autres façons d’intervenir auprès de ses clients.

Intervenir auprès de ses clients, c’est la façon polie de dire générer des revenus avec ses clients.

On parle d’autres choses qui peuvent nous permettre de faire des sous.

Voyons quelques statistiques que j’ai rapidement trouvées afin de mieux expliquer la suite :

  • 19 % des Canadiens mentionnent souffrir d’une forme de douleurs chroniques 1
  • 8,3 % des Canadiens ont reçu un diagnostic de migraine 2
  • Environ 19 % des Américains (je n’ai pas trouvé pour le Canada) rapportent des symptômes de ballonnement abdominal 3.

On peut postuler que presque la moitié de la population mentionnera avoir ces symptômes ou inconforts. Si je vends quelque chose qui promet de réduire ces trucs, j’ai un marché intéressant qui s’ouvre à moi.

Si vous êtes fatigué.es, ce n’est pas anormal si vous avez fait un gros entraînement exigeant ou encore terminé une grosse journée de travail. Ce n’est pas un problème en soi, c’est une réponse normale à la situation que vous avez vécue.

Vous mangez sur le pouce, vous êtes ballonné ? Une partie importante de la digestion repose sur un processus de fermentation ce qui, inévitablement, entraine la production de gaz sans que cela ne soit systématiquement problématique. Simplement expliqué, roter ou péter après un repas est tout à fait normal…

Quelque chose ne va pas dans votre vie ? Vous ne vous sentez pas bien ? C’est à cause de votre inflammation. Pourtant, les différents processus inflammatoires sont une réponse adaptative tout à fait naturelle et normale.

Vous n’arrivez pas à perdre du poids ? C’est votre cortisol… Pourtant, la sécrétion de cortisol est encore une fois une réponse tout à fait normale de pratiquement tous les processus d’adaptation du corps humain.

Une large partie de l’industrie du « fitness » tend désormais vers le « traitement » de la fatigue, des ballonnements, de l’insuline et de l’inflammation en exploitant la surabondance de symptômes qui n’en sont pas forcément.

Fatigue.

Douleurs au dos ou à la tête.

Difficultés à digérer.

Difficultés à perdre du poids.

Si vous faites rapidement un bref sondage auprès de votre entourage, vous remarquerez que si on pose une question en lien avec les symptômes précédemment mentionnés, pratiquement 100 % des répondants vont reconnaître les vivres presque sur une base quotidienne.

Sans que cela ne soit pathologique ou ne nécessite d’adopter une diète particulière ou d’ingérer des suppléments quelconques.

Dans la très grande majorité des cas, l’ensemble de ces symptômes ne sont pas associés à des troubles de la santé.

Avant de vous inquiéter de votre digestion, de votre insuline ou de votre niveau d’inflammation systémique, il est essentiel de se poser quelques questions :

  • Est-ce que ça se mesure objectivement avec des tests valides mon truc ?
    1. Par exemple, on me dit que je souffre d’inflammation, comment mesure-t-on l’inflammation ? L’inflammation de quoi ? L’inflammation pourquoi ?
    2. Si vous n’êtes pas en mesure de répondre adéquatement à ces questions, vous êtes à risque de vous en faire passer une ptite vite…
  • Est-ce que ces symptômes peuvent être expliqués par des choses normales ?
    1. Est-ce normal que je sois fatigué après un cours de spinning très intense ? Oui. Est-ce normal que je sois essoufflé en montant des marches ? Si votre capacité aérobie est d’environ 30 mLO2 par kg de poids par minute (une valeur pour une personne sédentaire), gravir des marches d’escalier représente presque 100 % de votre capacité aérobie. Est-ce anormal pour un athlète olympique d’être essoufflé lorsqu’il ou elle réalise des entraînements par intervalles à 100 % de sa capacité aérobie. Bien sûr que oui.
    2. Avant de conclure que vous avez un problème, essayer de mieux comprendre le contexte et la nature du problème auquel vous faites face. Lorsqu’on fait des efforts intenses pour nos capacités, c’est normal d’éprouver de l’inconfort sans que cela ne soit pathologique.
  • Quels sont les intérêts de la personne qui effectue un « diagnostic » de ma problématique ? Est-ce que plus mon problème est grave, plus il ou elle peut en profiter ?
    1. Par exemple, est-ce qu’un entraîneur augmente considérablement ses revenus s’il peut vous vendre des produits pour améliorer votre sommeil, votre digestion, etc. ?
    2. Ici, ça n’implique pas forcément qu’un entraîneur souhaite mal faire. Ça implique qu’un entraîneur à un intérêt qui peut biaiser son processus d’analyse. Si tu n’arrives pas à payer ton hypothèque et à nourrir ta famille, cela peut accentuer la pression pour vendre un peu plus de poudre de perlinpinpin à quelqu’un pour qui ça ne fera pas de tort, mais qui n’en a pas vraiment besoin…

Je crois qu’il serait pertinent que l’industrie du conditionnement physique et « fitness » s’interroge un peu plus sur l’orientation qu’elle semble entreprendre.

C’est quand même particulier ce désir de jouer dans les platebandes de l’autre ?

Des nutritionnistes qui dictent des paramètres d’entraînement pour des athlètes d’endurance afin de maximiser leur performance.

Des physiothérapeutes qui paramètrent des entraînements par intervalles et qui analysent la composition corporelle de leur patient.

Des kinésiologues qui parlent plus de sommeil et d’insuline que d’entraînement et des entraîneurs qui font plus de tests de dépistage d’inflammation avec des kits provenant d’Alibaba qu’ils n’abordent les paramètres d’entraînement.

On dirait un mauvais jeu de chaises musicales sur une mauvaise toune…

Références

  1. Schopflocher D, Taenzer P, Jovey R. The prevalence of chronic pain in Canada. Pain Res Manag. 2011;16(6):445–450.
  2. Ramage-Morin PL, Gilmour H. Prevalence of migraine in the Canadian household population. Statistics Canada 2014.
  3. Jiang X, Locke GR, 3rd, Choung RS, et al. Prevalence and risk factors for abdominal bloating and visible distention: a population-based study. Gut. 2008;57(6):756–763.

Autres articles pertinents

exercice compulsif
Opinion
Dr Kin

Obsession ou néant ?

0 0 votes Évaluation de l'article Nous connaissons tous et toutes quelqu’un qui affiche régulièrement ses performances sur les réseaux sociaux. Certains, plus pudiques, se

Lire la suite »
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x