Dr Kin

Mon cours d’éducation physique est plate.

Un groupe d'enfants suivant un cours d'éducation physique dans une salle de sport.
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Est-ce qu’un cours d’éducation physique à l’école doit être agréable, plaisant ou encore amusant ? Bon, oui, mais est-ce que l’aspect plaisant du cours doit prévaloir sur les apprentissages ? Par exemple, est-ce qu’un cours de mathématique, français ou philosophie doit être agréable, plaisant ou encore amusant ?

Si possible, tant mieux.

Mais pas au détriment des apprentissages.

C’est peut-être seulement moi, mais je trouve que l’on place les cours d’éducation physique dans une autre case. Un peu comme si les cours d’éducation physique n’étaient pas vraiment des cours où l’on apprend vraiment quelque chose. Davantage un cours où l’on bouge, se défoule, s’amuse pour favoriser un calme plus serein lorsque les étudiants.es sont dans les « vrais » cours où l’on apprend des choses importantes. Comme lire, écrire, compter, mémoriser les provinces canadiennes, etc.

Ces choses sont extrêmement importantes. Sérieusement.

Je crois qu’il est difficile, et très contraignant, pour un humain en société de ne pas pouvoir communiquer par écrit ou encore de ne pas savoir compter. L’histoire et la géographie nous procurent des informations essentielles afin de mieux comprendre notre réalité. Loin de moi l’idée de minimiser l’importance de ces champs de connaissances.

Mais, je crois ne pas me tromper en affirmant qu’il est possible d’apprendre à compter, lire et écrire ou encore mémoriser les provinces canadiennes à l’âge adulte.

L’éducation physique au primaire n’est pas seulement une question de « jouer ». Certes, le jeu est une excellente source de développement moteur, cognitif et social pour les enfants. On « joue » dans un cours d’éducation physique au primaire parce qu’il s’agit probablement de la meilleure façon de stimuler le développement d’éléments clés. Éléments qu’il sera très difficile, presque impossible, de les développer de façon aussi importante à l’âge adulte.

Les enfants développent plusieurs aptitudes motrices qui peuvent être plus difficiles à acquérir ou à maintenir à l’âge adulte en raison de divers facteurs, tels que la plasticité cérébrale, la croissance et le développement physique, ainsi que les habitudes de vie.

Voici quelques exemples de ces aptitudes :

Souplesse et mobilité articulaire: Les enfants ont généralement une plus grande flexibilité et une plus grande amplitude de mouvement que les adultes. Avec le temps, la souplesse articulaire peut diminuer en raison de la perte de tissu conjonctif et de l’ossification des articulations. L’utilisation de ce plus grand potentiel de flexibilité permet d’élargir et d’enrichir le répertoire d’activités physiques pouvant être pratiquées.

Équilibre et coordination: Les enfants passent beaucoup de temps à jouer et à s’engager dans des activités qui favorisent le développement de l’équilibre et de la coordination. Ces compétences peuvent être plus difficiles à maintenir et à améliorer à mesure que les adultes deviennent moins actifs. On met l’emphase sur l’importance de ces aptitudes chez les personnes vieillissantes afin de maintenir une capacité fonctionnelle adéquate (par exemple dans la réduction des chutes).

Capacités d’apprentissage moteur : Les enfants ont souvent une plus grande capacité d’apprendre de nouveaux mouvements et de nouvelles habiletés motrices. À mesure que nous vieillissons, il peut être plus difficile d’acquérir de nouvelles compétences motrices de manière aussi rapide et efficace.

Plasticité cérébrale: Le cerveau des enfants est plus malléable et adaptable, ce qui favorise l’apprentissage de nouvelles habiletés motrices. À mesure que nous vieillissons, la plasticité cérébrale diminue, ce qui peut rendre l’apprentissage de nouvelles compétences plus difficile. L’activité physique, le mouvement et le contexte dans lequel il est réalisé offrent des opportunités de développement du cerveau unique. Pas seulement pour comprendre les règles d’un jeu, mais aussi pour développer des capacités d’analyse, de compréhension, de mémoire, etc.

Bref, si les cours d’éducation physique au primaire ressemblent davantage à du jeu organisé (parfois même désorganisé), c’est parce qu’il s’agit probablement de la meilleure façon de développer de nombreuses aptitudes importantes, physiques et cognitives. Et, bien sûr, c’est plaisant.

Les cours d’éducation physique au secondaire ont traditionnellement été plus axés vers le sport ou l’apprentissage de gestes techniques et de règles. Du temps que j’étais étudiant, le cours d’éducation physique, ce n’était que ça, du sport. Quand j’ai commencé à enseigner l’éducation physique au secondaire, c’était encore pas mal ça, du sport. L’emphase semblait moins sur le développement d’aptitudes ou encore de connaissances et de capacités, que sur l’apprentissage plus technique d’un sport (bien maîtriser l’amorti en badminton).

Je crois qu’il s’enseigne maintenant quelques notions de saines habitudes de vie, mais je ne suis pas familier avec le contenu. Ici, je dois avouer que je suis moins à jour avec la réalité du secondaire, il est possible que les choses aient changé.

Merci de me tenir informé si c’est le cas.

Au collégial, la tendance est à faire bouger les étudiants.es le plus possible et à passer du contenu théorique en lien avec les saines habitudes de vie. Il existe quelques ouvrages intéressants qui servent de manuel de référence, qui sont remplis de potentiel et de bonnes intentions. On insiste sur l’importance de sensibiliser les étudiants.es aux saines habitudes de vie et à être en mesurer de mettre en œuvre des stratégies. Toutefois, il n’est pas toujours facile de passer du contenu théorique dans un gymnase, alors que les étudiants.es n’attendent que le signal pour faire autre chose que d’écouter parler de capacité aérobie, gestion de stress ou tabagisme. Également, et c’est très personnel, je ne suis pas certain que le format et le médium pour passer ces notions atteignent ces cibles chez la majorité des étudiants.es. Comme je disais, c’est ma perception et c’est bien personnel, mais il est très rare que des éléments concrets soient mesurés objectivement, sauf peut-être la capacité aérobie. On a souvent recours à des journaux de bord, des carnets de route, etc., qui poussent potentiellement vers une prise de conscience. Il est plus rare que l’on quantifie objectivement leur niveau d’activité physique sur 24h, leur temps assis ou encore leur temps d’écran. Pourtant, il s’agit de déterminants extrêmement importants de la santé, présente et future.

Les infrastructures comme les gymnases ou salles d’entraînement se prêtent difficilement à de l’enseignement théorique.

C’est d’abord et avant tout conçu pour le sport ou le jeu.

J’enseigne au collégial en éducation physique depuis quelques années. Je crois que si l’on posait la question à mes étudiants.es, la majorité mentionnerait trouver mes cours plates.

Pourquoi ?

Parce qu’on ne bouge pas tant que ça dans mes cours. On écoute (ou non) et l’on doit comprendre des concepts assez difficiles, comme la relation entre la capacité aérobie et le risque de mortalité précoce toutes causes confondues. Ou encore, les effets de la sédentarité, temps assis et temps d’écran, sur l’espérance de vie. Ou encore mieux comprendre la composition corporelle et ses liens avec les risques de mortalités. Pas seulement comprendre la théorie, mais essayer de la coller à des mesures plus objectives comme leurs minutes d’activité physique par semaine ou le temps passé sur le téléphone.

Plate de même et généralement pas trop joyeux ou amusant.

Des collègues (qui ne sont pas de mon institution) m’ont reproché de ne pas faire bouger assez mes étudiants.es durant mes cours. Ils me disaient que je ne jouais pas mon rôle d’enseignant en éducation physique parce que mes étudiants.es étaient trop assis durant mes cours (parfois je donne la théorie en marchant).

J’ai argumenté que mon intention était plutôt de les inciter à bouger « en-dehors » de mon cours et de continuer à la faire une fois que nos chemins se séparent. Parce que je peux difficilement les faire bouger plus de 90 minutes durant mon cours, et que ces 90 minutes sont bien loin des 150 minutes par semaine.

Mon calcul est le suivant : je les fais bouger un peu. Je les informe des risques d’un mode de vie sédentaire. Je leur donne les outils pour évaluer leur niveau d’activité physique et de sédentarité. Je leur présente des options pour bouger plus « en-dehors » du cours. Après, ils sont assez grands pour prendre des décisions pour eux-mêmes.

Cette approche plus théorique de l’éducation physique est loin (très loin) de faire l’unanimité.

On me dit que j’augmente leur niveau de sédentarité!

Que je leur fais détester l’activité physique !

Que c’est parce que je n’aime pas enseigner des « sports » et que je préfère donner des cours théoriques !

Qu’ils ne sont pas de niveau universitaire et que je leur demande de comprendre des concepts trop compliqués!

On me dit que s’ils ne bougent pas dans le cours d’éducation physique, ils ne bougeront pas du tout!

Peut-être bien.

Moi je trouve que c’est ça le problème. Ce n’est pas un cours d’éducation physique par semaine qui va permettre d’atteindre les recommandations minimales de l’Organisation Mondiale de la Santé. Non, je ne pense pas que d’augmenter le nombre de cours d’éducation physique au collégial est la solution. Je pense qu’on doit enseigner aux étudiants.es des connaissances et leur fournir des outils afin qu’ils puissent se prendre en main. Pas les prendre par la main pour les amener à la piscine pour nager.

Oui, mais si les étudiants.es aiment vraiment ton cours et trippent sur les sports que tu enseignes, ils ont plus de chance d’en faire par la suite.

Bon point.

Pas sûr.

J’aime beaucoup le sport. J’aime le badminton, le spikeball, l’ultimate frisbee, le tir à l’arc, le baseball, le soccer, etc.

Mais, je ne pratique aucun de ces sports en dehors de mes cours d’éducation physique. Non pas parce que je n’aime pas ça, mais à cause de plein d’autres raisons qui m’empêchent de pratiquer ces sports.

La vie quoi.

Toutefois, je suis pleinement conscient de l’impact d’un mode de vie sédentaire sur ma santé physique et mentale. C’est pourquoi, bien que je ne pratique aucun sport régulièrement, je maintiens un niveau d’activité physique quotidien suffisamment élevé pour me procurer des bénéfices santé. J’y arrive parce que j’ai les connaissances et les outils pour y arriver.

Des connaissances et des outils qui proviennent d’apprentissages reçus dans des cours on ne peut plus théoriques.

Assis.

Devant un prof souvent plus ou moins intéressant. Même si j’adorais la matière, ces cours étaient plates.

Très plates.

Et, je suis convaincu que les enseignants.es n’avaient pas comme priorité ultime de rendre le cours super agréable, super plaisant ou super amusant. Ils voulaient passer du contenu, favoriser des apprentissages pour que nous puissions faire quelque chose avec tout ça.

Est-ce qu’un cours d’éducation physique doit être agréable, plaisant ou amusant. Si possible oui, au même titre d’un cours de géographie, d’histoire, de politique, de biologie, etc.

Est-ce qu’un cours de programmation informatique doit uniquement être dédié à la création de jeux vidéo parce que c’est ce que les étudiants.es « aiment » ? Bien sûr que non, on ne peut pas que jouer en informatique. Est-ce qu’un.e étudiant.e peut uniquement se concentrer sur des bandes dessinées dans un cours de littérature française parce qu’il aime ça. J’en doute.

Mais, un cours d’éducation physique, il faut que ça soit amusant pour donner le goût aux étudiants.es de bouger. Pas certain que dans notre société qui prône un mode de vie sédentaire, le facteur amusant de l’activité physique soit un déterminant critique de la pratique régulière d’une quantité suffisante d’activité physique.

En terminant, je dois m’excuser auprès de mes étudiants.es, pour qui mes cours sont terriblement plates. Sachez que c’est avec la plus grande conviction que je souhaite vous aider à vivre une vie active et heureuse et que je cherche encore comment rendre le tout plus amusant.

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